« L’impossible enfant… » Témoignage de Géraldine Jumel-Lhomme

Ce livre est le récit d’une femme qui relate son parcours dans le monde de l’assistance médicale à la procréation et de la fécondation in vitro avec don d’ovocytes à l’étranger pour essayer d’avoir un enfant. Il est très bien écrit car se mêlent à la fois son cheminement, son vécu de couple et ses réflexions souvent étayées sur des problématiques liées au don d’ovocytes. Même si parfois je ne partage pas toujours son avis, ce livre suscite la réflexion et il s’agit d’une véritable introspection dans ce monde abyssal que nous vivons lorsque nous sommes confrontés à la PMA et en particulier aux FIVDO. Cela met en alerte sur les pratiques de certaines cliniques et souligne bien le fait que ces parcours doivent être accompagnés par des professionnels auxquels on puisse se fier. Son parcours m’a beaucoup touché et je m’y retrouve particulièrement lors de la dernière partie du livre qui décrit ce parcours de deuil à faire lorsque l’enfant tant attendu ne naîtra pas. Ce livre permet de faire entendre la voix de ceux qui sortent de ces tentatives sans être parvenus à devenir parents : « Nous sommes allés au bout de ce que nous nous étions fixés, nous ne pouvons regretter d’avoir arrêté trop tôt, d’avoir été lâches. Nous essayons de transcender cette épreuve, d’en faire quelque chose d’intelligent et de constructif. »

« Nullipare est, dans le domaine médical, le qualificatif attribué à une femme qui n’a pas eu d’enfant. Mot détestable, auquel je ne parviens pas à m’identifier, même si les médecins l’emploient régulièrement pour me qualifier dans leurs comptes rendus d’examens. Dans le dictionnaire de la langue française, il voisine avec nul(le), nullard(e), nullement et nullité. Ces termes fort peu élogieux plantent le décor de ce que la société renvoie aux femmes qui n’enfantent pas. Elles ne vont nulle part et le mystère de la maternité, comme celui de son absence, me semblent à interroger.

Même si les femmes sont programmées pour donner la vie, même si l’instinct les pousse à choisir leurs partenaires en fonction de critères inconscients pour se reproduire, certaines d’entre elles, une minorité, heureusement pour que l’humanité perdure, conduisent leur vie en évitant soigneusement la question de l’enfant, à l’âge où biologiquement elles devraient le faire. J’appartiens à ce groupe.
Plus récemment, j’ai cherché à me «normaliser» et à rejoindre le comportement majoritaire, mais ayant alors dépassé l’âge de la fertilité naturelle, j’ai été rattrapée par la pression de l’horloge biologique, si bien que je me suis trouvée, à la croisée des chemins, dans l’ignorance absolue de l’issue de cette aventure, qui ferait finalement de moi une mère, à mon tour, ou qui me laisserait en fille de ma mère. C’est cette période de doute, de combat et cette immersion dans le monde de l’assistance médicale à la procréation (AMP) et de la fécondation in vitro (m) avec don d’ovocytes à l’étranger, que je tiens à vous faire partager.

Le parcours que nous avons accompli mon conjoint et moi pour devenir parents a confisqué presque six années de notre vie. La violence de ce que nous y avons vécu m’a amenée à écrire. Les mots ont jailli, me protégeant de la folie, de la maladie aussi probablement. Ils m’ont permis d’apprivoiser la douleur brute, écrasante. Les périodes d’écriture ont été brèves, mais intenses, alternant avec de longues périodes de pause et de décantation. Elles ont assurément permis une catharsis.
Ce récit de notre histoire devait également constituer la «préhistoire» de notre enfant. Je me devais de lui relater un jour notre cheminement, nos tourments, nos espoirs lors de sa conception. J’ai imaginé que ce texte pourrait l’aider à se construire, à répondre à certaines questions, à devenir plus fort, à ne pas douter qu’il était le fruit du désir et de l’amour de ses parents.

Je pense enfin que notre témoignage pourrait éclairer un nombre croissant de personnes confrontées à l’infertilité, de même que leur entourage, souvent ignorant, démuni et maladroit. L’idée que ce récit puisse aider d’autres personnes est réconfortante. Que ce texte puisse informer ceux qui se questionnent autour de l’enfant, leur permette de gagner du temps, est également satisfaisant et apaisant. Parce que les couples qui traversent ces moments souffrent d’isolement, traversent des questionnements multiples, abyssaux et déstabilisants, parce qu’on entend davantage la voix de ceux qui sont devenus parents, il m’est apparu indispensable d’apporter le témoignage plus rare, plus triste aussi de la minorité silencieuse, solitaire, meurtrie, honteuse, coupable sans doute aussi, de ceux qui, comme nous, sortent de ces tentatives sans être parvenus à devenir parents. Apporter une attention bienveillante, une meilleure compréhension d’un sujet aussi complexe et lourd de conséquences permet assurément de restaurer la dignité des personnes concernées, de réparer leurs plaies, de leur permettre de dépasser l’épreuve, d’apporter un éclairage singulier sur les nouvelles formes de parentalité et de non-parentalité. »

 
L’impossible enfant : Don d’ovocytes, l’envers du décor de Geraldine JUMEL-LHOMME

 

Voici son témoignage en vidéo :

2 thoughts on “« L’impossible enfant… » Témoignage de Géraldine Jumel-Lhomme”

  1. Merci beaucoup pour le partage ! Je me retrouve dans la thèse de la violence faite aux couples pendant le parcours de la PMA, et dans cette impression de se faire confisquer sa vie.

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