Retrouvez le témoignage de Lisa Manterfield traduit en français par les soins de Lara sur le site du collectif BAMP :
Ecrire son infertilité (par Lisa Manterfield)
Écrire mon infertilité par Lisa Manterfield (version française)
Je n’avais jamais prévu d’écrire un livre sur mon incapacité à avoir des enfants; mon plan a toujours été d’écrire des romans. Mais comme c’est souvent le cas, mon histoire personnelle a commencé à s’immiscer dans mes exercices d’écriture alors que je me battais pour être entendue et mettre des mots sur le ressenti de mon infertilité. Lors d’un atelier d’écriture d’un week-end, notre prof a subtilement posé la question suivante: “Quel est le sujet sur lequel vous ne voulez PAS écrire?” Notre devoir était d’écrire la réponse avant d’aller au lit ce soir-là. Ma réponse était évidente. Je ne voulais pas écrire sur mon infertilité. J’ai donc écrit ma réponse et ai attendu la suite de l’exercice, qui n’est jamais arrivée car la prof ne l’a plus mentionné.
Le temps passa et l’idée d’écrire l’histoire de mon infertilité a commencé à se faire un chemin. Il ne s’écoula que peu de temps avant que je n’aie écrit quelques chapitres sur ce sujet que je m’étais promis d’éviter. Et puis, sans vraiment savoir comment, je m’étais décidé à écrire un livre. Je crois que, à sa manière, la prof nous avait défié d’écrire sur le sujet qui nous effrayait le plus, et j’avais accroché.
Le problème était que mon histoire n’avait pas de fin. Mon mari (Mr Fab) et moi étions encore dans le tourbillon des traitements et des questionnements sur l’adoption, et j’étais bien loin de l’idée de renoncer à la maternité. La fin de mon livre serait bien sûr la scène où j’apprends que je suis enceinte et où on rit de bon coeur en pensant à tout ce qu’on avait traversé pour en arriver là. J’ai donc continué à écrire mon histoire, en attendant que cette fin arrive.
Au cours de l’élaboration de ce livre, j’ai commencé à regarder mon histoire avec un oeil d’éditeur, ce qui m’a permis de me distancier de mon expérience. Ça m’a permis d’écrire très honnêtement à propos de la douleur, la confusion et la solitude de l’infertilité. J’ai commencé à comprendre le sentiment de deuil et entrevoir le fait que je n’aurais peut-être jamais d’enfants. Finalement, j’ai compris quelle devait être la fin du livre – et la fin de mon histoire. Ça devait être le moment où Mr Fab et moi décidions de nous libérer de nos plans d’avoir un bébé et orientions nos vies dans une nouvelle direction. C’était la meilleure fin possible pour le livre, mais bien sûr ce n’était pas du tout la fin que je voulais pour mon histoire, alors je l’ai mise de côté.
Puis un jour, la fille de mon mari nous annonça qu’elle était enceinte, et quelques mois plus tard, Mr Fab et moi devenions grand-parents. En voyant mon mari avec la génération suivante, j’ai compris qu’un chapitre de ma vie devait se terminer. Il était temps d’arrêter la poursuite de la maternité à tout prix.
Lorsque j’ai écrit le dernier chapitre de mon livre, je n’étais toujours pas sûre de pouvoir me détacher de ce rêve de maternité, ni si je serais un jour en paix avec cette décision. Je ne vais pas vous raconter que j’ai pris la décision et que tout s’est arrangé comme par miracle, car l’histoire est bien plus compliquée que ça. Mais j’ai continué à écrire et à chercher des moyens d’avancer.
J’ai ouvert un blog et ai commencé à écrire, pour mettre de l’ordre dans tout ce désordre mental qui accompagne cette décision. Je me suis sentie comme un pionnier involontaire, comme si j’étais la seule personne au monde à parler de cette horrible situation. Mais les gens ont commencé à trouver le blog et j’ai compris que j’étais loin d’être seule. J’ai trouvé d’autres blogs partageant leurs histoires et, petit à petit, j’ai commencé à guérir. Les larmes on laissé place à la colère. Et puis la colère a diminué et a peu à peu laissé place… au bonheur! J’étais heureuse et nullipare! Inimaginable.
J’ai continué à écrire, partageant ce que j’avais appris de mon expérience et de celle d’autres femmes, et finalement l’idée d’un nouveau livre a commencé à émerger: un guide pour aider d’autres femmes à naviguer ce chapitre difficile.
Alors me voici dans ce drôle d’univers, loin de la fin du voyage (parce que je pense que ça sera un voyage sans fin) mais tellement loin de mon point de départ que j’ai peine à me reconnaître. Au lieu d’être mère, je suis nullipare. Et, au lieu d’écrire un roman, j’ai deux livres sur l’infertilité.
La bonne nouvelle que j’ai à vous transmettre de ce monde étrange, c’est que même si je n’ai pas eu ce qu’un jour j’ai voulu plus que tout au monde, j’ai une vraiment belle vie. Et ça, c’est une fin que je n’aurais jamais deviné.
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Lisa Manterfield est la créatrice de LifeWithoutBaby.com, la e-communauté qui apporte des ressources, un réseau social, de la compassion et de l’aide aux femmes qui ont à faire face à une vie sans enfants. Elle est l’auteur de Life Without Baby: Surviving and Thriving When Motherhood Doesn’t Happen, ainsi que de I’m Taking My Eggs and Going Home: How One Woman Dared to Say No to Motherhood, mémoire qui a reçu le prix 2012 de la publication indépendante. Elle vit dans le sud de la Californie, avec son merveilleux mari (Mr Fab) et son chat trop gâté, et travaille à son prochain roman.