11. Pourrais-tu nous parler de ton tatouage et le rôle qu’il a joué dans ton parcours ?
Après ma dernière FIV j’ai décidé de faire un tatouage… il n’est pas visible la plupart du temps car sur le côté du torse … ce tatouage je l’ai fait pour moi, pas pour le montrer au quotidien. C’est d’ailleurs mon seul tatouage et j’espère quelque part ne pas avoir à en refaire un.
L’idée derrière était de rendre beau un épisode de ma vie qui ne l’avait pas été, de lui donner vie aussi pour que ce vécu ne reste pas invisible. Pour moi ce que j’ai vécu restera une blessure de vie mais je voulais pouvoir écrire (ou plutôt dessiner) cela à ma façon.
C’est un tatouage polynésien (un choix précis de ma part) où j’ai choisi avec le tatoueur des symboles représentant la force, le courage etc… il y a une tortue à cheval sur deux chemins… celui de la PMA que je quitte et l’autre que je prends celui d’une vie nouvelle… je voulais montrer une continuité et non pas l’abysse post PMA d’une vie sans enfant.
Lors de mon parcours PMA j’ai tenu un blog mais j’ai aussi lu beaucoup d’autres et ce qui m’avait choquée c’est de lire que pour certaines le fait de ne pas avoir d’enfants les faisaient se sentir comme laissée sur un quai et d’avoir raté le train. Pour moi je ne suis pas montée dans le train de la maternité mais j’en ai pris un autre… je ne suis pas restée sur ce quai… hors de question ! Le tatouage résume aussi cette volonté de ma part. La société nous fait parfois nous sentir laissées pour compte car nous ne cochons pas les « bonnes » cases, nous ne sommes pas devenues mères… mais pour moi nous restons des femmes à part entière et dans mon cas je le pense encore plus du fait de mon opération.
12. Comment te sens-tu aujourd’hui ?
Je me sens bien, je ne me sens pas moins femme (c’est parfois une crainte car on m’a enlevé une partie de ce qui fait de moi une femme aux yeux de la société)… je suis coquette, sportive et j’ai retrouvé une vie normale.
Bien sur parfois j’ai des petits pincements au cœur en pensant à ce qui aurait pu être, à ce que notre vie aurait pu être avec des enfants mais d’un autre coté je n’ai aucun moyen de dire qu’elle aurait été meilleure que celle que je mène à présent… elle aurait été différente … j’aime à penser que notre chemin devait être différent et je l’aborde avec confiance et curiosité…. de toute façon je ne peux pas ré-écrire l’histoire donc autant tirer le meilleur parti des cartes que la vie m’a donnée non?
13. Quelles sont tes relations avec les enfants que tu côtoies ?
J’adore les enfants … oui vraiment et c’est un plaisir de les voir surtout les petits.
C’est une vrai chance que je ne souffre pas à la vue d’un bébé ou d’un enfant … je n’ai pas eu ce problème non plus pendant la PMA et une fois de plus je mesure ma chance car je sais que cela peut être douloureux pour certaines mais je n’ai jamais fait de transposition sur les enfants des autres (à m’imaginer que cela pourrait être le mien, ma vie etc)… je me suis toujours réjouie pour les autres car au final avoir un enfant c’est quelque part parce qu’il y a eu un peu de magie (rencontre de cellules et booom ) donc comment ne pas se réjouir de cela ?
Nos amis ont tous des enfants donc nous sommes bien entourés !
Aujourd’hui j’aime ma vie sans enfants et quand parfois je les vois lutter avec leurs enfants je me dis que finalement nous ne sommes pas si mal comme nous sommes… notre vie s’est organisée sans enfants. Tout simplement… elle n’est pas vide de sens mais remplie d’autre chose … voyages, amis, activités etc
J’ai aussi des neveux et nièces et je suis une tata impliquée et présente… c’est aussi un beau rôle à jouer… quand ma nièce d’un an et demie me voit sur Facetime et crie joyeusement « Tata!!!!!!!! » je me dis que j’ai réussi quelque chose et cela me fait chaud au cœur… ce sont de petites choses comme cela qui comptent
14. Quels sont tes projets aujourd’hui et peux-tu nous parler de ton projet de reconversion ?
Mon mari aimerait beaucoup un jour aller vivre dans les îles…laquelle nous ne savons pas encore mais par contre rien ne dit que je pourrais exercer mon métier actuel donc se pose la grande question de « que faire? ».
Il y a quelques années j’ai découvert le podcast « Bliss Stories« … cela parle de maternité, d’accouchements surtout… j’aime beaucoup ce podcast, ces histoires de femmes, de parentalité.. au travers du podcast j’ai découvert tout un accompagnement autour de l’accouchement, la souffrance aussi de certaines et que tout n’est pas rose non plus dans la maternité et puis j’ai découvert le métier de doula…
J’ai acheté des livres sur le métier et je réfléchis à peut être m’orienter vers ce métier.
La raison pour laquelle je n’ai pas encore fait de démarches plus avancées est que nous ne partons pas encore (c’est un projet à disons 5 ans) mais aussi je voulais me laisser le temps du deuil d’une certaine façon pour être sure que je ne faisais pas ce choix pour de mauvaises raisons.
J’ai une réelle curiosité et envie d’apporter aux autres… mais il faut aussi que je dépasse mon syndrome de l’imposteur car oui le fait de ne pas avoir été mère me fait parfois douter de ma capacité à aider les autres mais il y aussi des sages femmes qui sont des hommes et bon nombre de gynéco les sont aussi donc pourquoi pas une doula qui n’a jamais accouché! A suivre… 😉
15. Quel message ou conseil pourrais-tu transmettre à ceux qui se questionnent sur cette vie après la PMA sans enfant ?
Le jour où cette vie sans enfant devient réalité ce n’est pas le grand trou noir du néant, la vie continue! Elle est belle si on lui laisse la chance de nous le montrer… elle n’est pas vide de sens non plus, elle peut être riche, dynamique bref tout ce qu’on peut vouloir mettre dedans… cela ne fait pas de nous des sous-individus et si la vie a fait un choix pour nous on peut nous faire le choix de ne pas se laisser dicter les autres chapitres. J’ai perdu des amis jeunes, trop jeunes et je veux faire en sorte d’utiliser le temps que j’ai sans le gâcher donc je choisis d’être heureuse… ce n’est pas facile tous les jours, mon travail est stressant, la vie est stressante mais je regarde ma maison, mon jardin, le ciel bleu, la nature, mes amis et je me dis que j’ai de la chance, j’ai une belle vie.
très beau témoignage, j’adore l’histoire du tatouage, la magnifique symbolique dans laquelle je me retrouve aussi…ne pas rester sur le quai, bien au contraire, choisir sa propre voie. Et puis j’aurai envie de dire à Sophie de foncer dans son projet de reconversion, il y a bien des tas de thérapeutes qui accompagnent des femmes infertiles sans être passées par la PMA ou le supplice de l’endométriose!!! Et je constate, en voyant le vécu des femmes enceintes autour de moi, qu’il y a beaucoup de points communs dans un parcours médical contre l’infertilité et une grossesse, notamment tout ce qui est de l’ordre de la souffrance émotionnelle, physique, du rapport au médical, des relations patientes-médecins…bref tout ce qui touche, plus largement, au corps de la femme dans nos sociétés. Et merci à La Parentaise de nous donner à lire tous ces témoignages!
Quel parcours… Merci pour ce témoignage.