Souvenez-vous, en février dernier, Delphine nous racontait son histoire en se livrant à cœur ouvert. 6 mois plus tard elle a souhaité nous offrir une mise à jour de son portrait :
Comment votre couple a-t-il fait face ?
Cette question est tellement vaste ! Si j’essaie de résumer, le protocole PMA a phagocyté notre relation, sans que je m’en rende compte car je m’étais enfermée dans ce protocole puis dans ma fatigue. Nous avons réussi, non sans mal, à reprendre le dialogue, grâce à mon suivi avec une psychologue spécialisée dans l’infertilité. Ce qui comptait pour mon mari, c’était mon bien-être et non pas avoir un enfant au prix de ma santé. J’ai toujours pu compter sur lui pour me soutenir moralement et dans le quotidien, quand je ressentais de grandes difficultés à faire les tâches ménagères (je n’arrivais plus à vider le lave-vaisselle, à étendre le linge… les effets de ma maladie auto-immune apparue 6 mois après l’arrêt de la PMA). Il s’est occupé de tout. Aujourd’hui que je vais mieux, nous retrouvons une relation de couple. Il a dernièrement traversé une période très difficile et j’ai pu l’accompagner de mon mieux pour prendre soin de lui. Après 2 années de PMA, 5 années de réparation, et l’acceptation que notre vie continuera « à deux », nous savons d’autant plus apprécier notre vie ensemble.
Comment relativisez-vous ce parcours difficile et douloureux ?
Il m’aura fallu 5 ans après l’arrêt de la PMA pour reprendre ma vie en main. Mais ce ne sont pas 5 années perdues. Au contraire, il fallait passer par ce chemin tortueux pour que je puisse définitivement profiter de la vie. En effet, si je n’avais pas fait ces tentatives de FIV ICSI, je l’aurais peut-être regretté et aurais été malheureuse toute ma vie. Alors 5 ans contre toute une vie, j’ai choisi !
Par ailleurs, la fin de la PMA m’a poussée à me questionner sur mes jugements sur moi (j’ai grossi, je suis moche, je suis toujours fatiguée, je ne suis plus capable de courir… la liste est très longue). J’ai fait une sorte d’introspection et ai trouvé, petit à petit, des ressources pour sortir de cette spirale. Au fur et à mesure, j’ai pu décider que le temps qui aurait été consacré à l’enfant, serait mis à profit pour moi-même, et pour les autres.
Qu’est-ce qui vous a aidé à vous en sortir et à être heureux ?
Ce qui nous a aidé est tout simplement d’être restés ensemble et la compréhension mutuelle. Cela peut paraitre simple, mais ce ne l’a pas toujours été pour nous. Il aura fallu de la patience et du soutien extérieur pour traverser les tempêtes. Ce qui m’aide aussi, est d’avoir réussi à ne plus me torturer parce que je ne peux plus faire sur les activités que je faisais « avant » comme la course à pied. J’ai trouvé des activités que je suis en capacité de faire, et c’est formidable.
Cette expérience de vie, qu’a-t-elle eu comme répercussion personnelle et professionnelle ?
Cette expression “expérience de vie” sonne joliment à mon oreille. Il y a quelques mois, j’aurais dit que c’était une expérience injuste et terrible à vivre. Aujourd’hui, je pense que c’est une expérience comme une autre, qui m’ouvre à d’autres perspectives de vie. L’expérience d’être une femme sans enfant m’a atteinte à tous points de vue, mais ne m’a pas anéantie. Elle m’a créé des souffrances psychologiques, des symptômes physiques, a peut-être contribué à une maladie auto-immune, mais ne m’a pas détruite.
Personnellement, cette partie de ma vie m’a enfermée dans des peurs, m’a généré des angoisses, m’a fait perdre la joie de vivre.
Professionnellement, j’ai eu des difficultés à me lever le matin, à me concentrer, à anticiper mes journées. Je me souviens qu’une collègue m’a dit un jour : “Je t’ai vue marcher au loin, on aurait dit une grand-mère”. Je lui ai répondu : “Je sais”. Je n’avais pas la force d’expliquer ce qui m’arrivait.
Quels enseignements ou enrichissements retirez-vous de ce parcours douloureux ?
Les difficultés liées à la PMA et à l’absence d’enfant que je viens d’évoquer ont d’abord été des états de faits. Puis je les ai considérées comme des signaux que mon corps m’envoyait pour que je puisse répondre à ses “appels”. Un exemple simple, les maux de ventre :
1/ J’ai mal au ventre. C’est comme ça, avec les traitements et l’hystérectomie…
2/ J’ai tout le temps mal au ventre, je commence à en avoir assez !
3/ Il va falloir que je fasse quelque chose, je n’en peux plus !
4/ J’ai trouvé une ostéopathe et une naturopathe compétentes sur les maux de ventre ! Elles m’ont expliqué ce que j’ai et je sais comment faire pour aller mieux.
C’est le même processus pour chaque difficulté rencontrée : le renfermement sur soi, les peurs, le deuil de la maternité, l’absence de projet…
L’enseignement principal que je tire de cette expérience, est que si nous repoussons nos émotions (peur, colère, tristesse…), si nous essayons de les chasser de notre esprit, parce que ce seraient des émotions “négatives” qu’il serait interdit de ressentir, elles reviendront sans cesse nous tourmenter. Alors que si nous les recevons telles qu’elles sont (je ressens de la jalousie pour telle ou telle personne qui a un enfant), nous les nommons et nous pouvons agir. Après l’hystérectomie, je savais, factuellement, que je ne serais jamais mère. Mais “savoir” ne m’a pas aidée à aller mieux. Ce qui m’a aidée, c’est de comprendre mes émotions et de faire la paix avec elles.
J’étais seule du mauvais côté de la rivière. J’ai osé prendre la passerelle pour avancer jusqu’à l’autre rive, celle de la lumière et de la vie.
Quels conseils pourriez-vous transmettre à toute personne qui se questionne sur cette vie sans enfant qui n’a pas été un choix ?
Accepter d’être aidé, dès le début des questionnements ou aux moments les plus difficiles, pour remonter la pente, puis une autre, et encore une autre, jusqu’à ce que nous puissions dire : NON, la vie sans enfant n’est pas la fin de tout, et OUI, la vie sans enfant est une vie inattendue à imaginer !
Quelles sont vos relations avec les collègues ou votre entourage aujourd’hui ?
Tout a changé dans mes relations. Je suis fière d’avoir réussi à m’en sortir, et je prends de plus en plus confiance en moi, tout en gardant ma personnalité discrète. Je ne souffre plus quand les personnes me demandent si j’ai des enfants et que je réponds : « Non, on n’a pas réussi à en avoir ».
Quelles ressources ou techniques vous ont aidé ?
J’ai découvert l’art thérapie avec Ludivine. J’étais abonnée à son blog La Parentaise et j’ai reçu le 19 janvier 2022 son appel à témoignage « Participez à La Rencontre du Moi » qui a immédiatement éveillé un espoir en moi : « Écrire sur mon vécu pourrait peut-être m’aider à avancer ? J’ai envie de témoigner mais cela ne va t-il pas être trop douloureux, raviver les peines ? ». J’ai écrit un mail à Ludivine et elle m’a appelée. Je lui ai fait part de mes craintes, qui se sont vite envolées après avoir entendu sa voix chaleureuse et ses propos rassurants. Nous avons fixé ensemble une date pour un échange plus long par téléphone. J’ai pu m’exprimer librement et ai été complètement en confiance.
Je me souviens, c’est un samedi matin de très bonne heure, que j’ai commencé à rédiger mon témoignage. Cela a été parfois difficile, parfois joyeux, en tous les cas très constructif. Ludivine l’a publié sur son blog le 27 février.
Cet article, je le dis clairement, a changé ma vie ! J’ai pu le transmettre à quelques personnes choisies, et ce à quoi je ne m’attendais pas, c’est qu’il me permette enfin de libérer la parole. C’était merveilleux de pouvoir parler de mon parcours, et d’être entendue.
Cette expérience d’écriture m’ayant conquise, j’ai recontacté Ludivine et nous avons entamé un véritable parcours à travers les séances d’art thérapie. Je me suis engagée totalement dans ce travail et j’y ai trouvé mes propres réponses. L’art thérapie n’est pas une activité créative pour se changer les idées, mais une discipline pour effectuer un voyage dans les profondeurs de son âme.
Ayant la chance de pouvoir être le témoin privilégié de sa transformation, je vous partage avec son accord les pages qu’elle a réalisé en Skechnote* qui résume une partie du parcours que nous avons pu déjà faire ensemble :
*Le sketchnoting, également connu sous le nom de prise de notes visuelle, est le processus créatif et graphique par lequel un individu peut noter ses pensées et les organiser à l’aide d’illustrations, de symboles, de structures et de textes.
Vos témoignages sont précieux :
Merci pour ce partage
Merci pour votre retour.
beau témoignage et merci pour le partage du travail accompli. Tout est dit, les cheminements, les tâtonnements, les prises de conscience…pour se reconnecter à la vie. c’est très beau
Merci Véronique pour ta présence et ton commentaire. Belle journée