Témoignage : Le plus difficile ce fut de faire le deuil de ce bébé qui n’a pas été à terme et de celui qui finalement ne viendrait pas

Pas de Parentaise du Mercredi cette semaine mais je vous propose de retrouver mon histoire à travers les réponses que j’ai essayé d’apporter aux questions que m’a proposé Camille sur son blog L’autre vérité sur la PMA.

Je la remercie pour sa proposition qui m’a permis de mettre à l’écrit ces 16 dernières années de ma vie et de pouvoir d’une certaine façon faire le bilan de cette quête de maternité.

J’espère que mon témoignage pourra aider d’autres personnes qui se questionnent sur cette vie après la PMA sans enfant.


Témoignage : Le plus difficile ce fut de faire le deuil de ce bébé qui n’a pas été à terme et de celui qui finalement ne viendrait pas

Ludivine a accepté de me raconter son histoire et son parcours en PMA. Beaucoup d’entre vous la connaissent grâce à son blog Artemise aura tout essayé. Elle est également à l’initiative de La Parentaise, un espace de soutien sur une vie possible sans enfant.

Dans quel état d’esprit, étiez-vous, ton compagnon et toi, avant de démarrer ces traitements ?

J’ai arrêté la pilule en 2003 sans imaginer que cela m’amènerait à devoir vivre un tel enfer, j’avais déjà mal sous pilule mais pas au point de me retrouver à chaque cycle avec des douleurs de plus en plus violentes : les crampes et spasmes étaient associés aux nausées et vomissements. Des années d’errance s’enchaînent sans avoir aucun diagnostic, les malaises s’accumulent en crescendo et la douleur était telle que je perdais connaissance, mon mari s’inquiétait de me retrouver inanimée et suite à un malaise dans le métro, j’ai dû être emmenée par les pompiers en réanimation générale. Il faudra attendre plusieurs années pour que je sache que je souffre d’endométriose sévère. C’est à ce moment-là que je réalise que cet enfant que je désirais avoir ne sera peut-être pas si accessible. Je dois prendre de lourds traitements à base de progestatifs pour être en ménopause artificielle avant ma 1ère opération en 2007 qui confirme une atteinte profonde de stade IV. A la suite de cela je dois prendre un traitement hormonal post-opératoire pendant plusieurs mois avant de laisser la nature reprendre ses droits en espérant qu’elle sera se montrer conciliante mais malheureusement les mois passent et aucune bonne nouvelle à l’horizon. Bilan hormonal catastrophique, notre gynécologue nous conseille de toute urgence d’aller en PMA.

Pourrais-tu me raconter ton parcours en PMA ?

Je découvre l’univers de la PMA en 2008, cela me semble inhumain et aseptisée j’ai l’impression d’être un numéro parmi d’autres quand je vois toutes ces liasses d’ordonnances photocopiées, mon cas n’étant pas du tout pris en compte ni mon histoire. J’ai donc commencé à me dire que peut-être ce n’était pas pour nous et à vouloir tout arrêter avant même de commencer jusqu’à rencontrer le gynécologue qui nous a aidé à reprendre espoir.
De 2009 à 2012 il me propose des traitements sur mesure pour éviter toute récidive de la maladie : stimulations et inséminations mais on passera directement aux FIVS comme je cumule une insuffisance ovarienne (trop peu d’ovocytes). On tente donc un cumul ovocytaire (plusieurs ponctions de suite en locale) mais cela se passe mal lorsqu’une des ponctions se fait sur un kyste endométriosique, il faut alors me réanimer. Je décide alors de faire un break avant de tenter une dernière FIV, comme avec les échecs accumulés, j’imagine que la PMA s’arrêtera là pour nous.

Quelques mois après, mon mari doit subir une opération cardiaque en urgence, j’étais tellement abasourdie avec la peur de le perdre que pour la FIV qui a suivi j’y suis allée dans un tout autre état d’esprit : cet enfant je ne l’imaginais même plus et je pensais arrêter là, la PMA. Mais contre toute attente un début de grossesse est venu s’y loger et tout espoir m’était alors permis.

Nous nous serions probablement arrêté là si l’histoire avait été différente mais nous nous sommes du coup dirigés vers le don d’ovocytes qui me semblait être la solution idéale avec ma réserve ovarienne épuisée et avec l’endométriose que j’allais pouvoir éviter de transmettre génétiquement.
J’étais pleine d’illusions avec la FIV-DO, j’espérais tellement que la chute fut fatale. Si je n’avais pas été enceinte, je me serais probablement arrêtée bien plus tôt mais dans le seul but de retrouver ce petit être qui avait grandi en moi, j’étais prête à tout pour le réanimer.

A quel moment avez-vous décidé d’arrêter les traitements ?

En décembre 2013, j’étais tellement mal après le transfert d’embryons que je réalisais que ce désir d’enfant me consumait à petit feu, j’avais l’impression que j’allais en mourir. Il n’y avait plus de place pour autre chose d’autant que les traitements devenaient de plus en plus lourds entre les injections quotidiennes et les fortes doses de progestérone pour éviter toute fausse couche.
Malheureusement cela n’a pas empêché de cumuler échecs, fausse couche et grossesse biochimique. J’ai décidé alors de me confronter à ce que je considérais jusque-là comme inimaginable : cette réalité qui faisait si mal et si peur, celle de cette vie sans enfant.

J’ai commencé à écrire puis à ouvrir un blog pour oser parler du renoncement et du fait que cela ne puisse pas marcher.

Avec cette nouvelle perspective en tête, nous avons fait une dernière tentative sans aucune pression en 2014 et à l’issue de notre voyage, nous avons décidé de mettre un point final à la PMA car la GPA n’était pas envisageable pour nous, nous ne souhaitions pas avoir un enfant à tout prix mais enfin être heureux et nous retrouver après ces 20 années de nos vies liées aux traitements avec l’endométriose et la PMA.

Cependant aujourd’hui suite à une dernière opération, je suis obligée de recourir à un traitement hormonal substitutif ayant perdu dans la bataille, utérus, trompes et ovaire, je suis en ménopause brutale donc finalement les traitements ne m’auront jamais quitté depuis mes 20 ans.

L’échec d’une tentative est toujours difficile. Comment l’avez-vous appréhendé à chaque fois ?

J’ai avancé dans ce tunnel de la PMA à tâtons en essayant de franchir les étapes les unes après les autres : les stimulations, les inséminations, les FIV. Je pensais naïvement que c’était aussi qu’une question de détermination et qu’on y arriverait, je n’imaginais vraiment pas que cela ne puisse pas aboutir ayant été enceinte.
A force d’accumuler les échecs, j’ai essayé de prévoir un plan B mais malgré tout ce fut d’une extrême violence à chaque fois et de plus en plus dur. La répétition et l’accumulation devenait invivable, on ne souhaitait plus s’infliger une telle souffrance c’est aussi pour cela que nous nous sommes organisés lors des FIV-DO des voyages aux alentours pour essayer de profiter d’être à l’étranger et de nous préserver du résultat.

La maladie a malheureusement été la plus forte, cumulant endométriose et cellules tueuses, terrain peu favorable à une implantation, j’ai dû me résoudre à lâcher prise : cette quête devenait inaccessible. Depuis plus de 10 ans, je me battais contre des moulins à vents et mon corps avait atteint ses limites.

Le plus difficile ce fut de faire le deuil de ce bébé qui n’a pas été à terme et de celui qui finalement ne viendrait pas. Je me suis plongée dans ce deuil en essayant de trouver le rituel créatif qui me permettrait d’accepter de laisser partir cet enfant pour pouvoir enfin lâcher prise sur cette quête sans fin.

L’infertilité constitue l’une des crises les plus profondes du couple. Comment avez-vous su faire face ?

La PMA nous a appris beaucoup de choses sur nous-mêmes, elle nous à aider à connaître nos limites, à nous surpasser, à nous dépasser. Les épreuves de la vie entre les échecs et les deuils que nous avons dû affronter nous ont fait relativiser ce désir d’enfant. Nous avons pu prendre conscience que le plus important dans tout ça n’était plus d’avoir un enfant mais d’être l’un avec l’autre en vie et en bonne santé.

Au tout départ nous avons vécu chacun à notre manière le deuil puis nous nous sommes vite retrouvés dans la création par nos métiers respectifs. Nous avons fait sans le conscientiser un deuil symbolique de cette vie sans enfant en rasant notre garage pour redessiner un endroit de vie et de création avec l’atelier de mes rêves.

On estime qu’un couple sur 2 est en échec de PMA. C’est un sujet que l’on aborde peu en France. Pourquoi, selon toi ?

On en parle peu car c’est déjà un vrai tabou de parler des échecs dans notre société, il est bien plus vendeur de proposer du rêve puis je pense aussi que pour la médecine les échecs les renvoient à leur impuissance.

En discutant avec une journaliste, elle me faisait prendre conscience que bien que l’on ait l’impression d’être du mauvais côté des statistiques et d’être une minorité, nous sommes une majorité à ressortir les bras vides, le pourcentage de réussite étant très peu élevé.

Malheureusement la vulgarisation qui est faite de l’AMP donne l’image que la PMA c’est facile et que ça marche à tous les coups. Il y a encore beaucoup de tabou à soulever et c’est aussi pour cela que j’ai accepté de témoigner à plusieurs reprises afin de montrer notre réalité.

Qu’aurais-tu aimé savoir avant de te lancer en PMA ? Quelles informations t’ont manqué ?

J’aurai aimé savoir qu’un parcours n’est pas toujours gagnant et que l’on peut s’en sortir malgré tout. Lorsque je me suis penchée sur le sujet il n’y avait quasiment aucun témoignage en France, c’est aussi pour cela que j’ai créé le blog en 2014 et que j’ai rejoint le collectif BAMP pour aider d’autres personnes à traverser cette épreuve de vie afin qu’ils ne vivent pas cette errance et ce vide que j’ai pu ressentir.

J’étais également totalement ignorante sur le deuil périnatal et la fausse couche qui sont des tabous dont on parle peu en PMA surtout quand on se retrouve parfois à devoir faire le deuil d’une vie sans enfant après avoir traversé une telle épreuve.

Le désir de parentalité, qui n’aboutit pas, est un traumatisme. Dans une société qui valorise la réussite, on n’est pas du tout préparé(e) à cela. Comment avez-vous réussi à surmonter cette épreuve et à vous reconstruire ?

La PMA nous fait douter de tout et de nous-mêmes jusqu’à nous faire perdre parfois le sens de cette quête du bonheur vers lequel on tend tous avec ou sans enfants. Le plus important est d’être épanoui et l’enfant n’en est pas la garantie. Il y a d’autres manières de transmettre et avec mon mari nous avions déjà des projets avant ce désir d’enfant donc il nous a fallu un temps pour nous retrouver et recomposer avec cette réalité. Nous n’avons qu’une envie aujourd’hui c’est de profiter de ce qu’on a.

Tu as créé un espace de soutien en ligne La Parentaise pour les couples qui ne parviennent pas à devenir parents. C’est une initiative unique en France qui vient combler un énorme vide. Tu pourrais m’en dire plus à ce sujet ?

J’ai créé La Parentaise qui est un Espace de soutien en ligne pour permettre à toutes les personnes qui se questionnent et souhaitent échanger sur la construction d’une vie possible sans enfant. Enrichie par mon expérience personnelle et mon métier d’art-thérapeute, je propose un espace collectif autour de 3 axes : des réflexions, des ressources et du soutien. J’ai essayé de proposer le dispositif que j’aurai voulu avoir quand je me suis retrouvée devant l’éventualité de ne pas arriver à avoir d’enfant. L’objectif étant que nous puissions par nos échanges et réflexions nous entraider et rompre cette sensation d’isolement que l’on peut ressentir face à cette souffrance.

Qu’est ce qui manque, selon toi, en France, et qui pourraient aider encore plus les couples qui sortent d’un parcours AMP sans enfant ?

Je suis surprise qu’en fin de parcours d’AMP il n’y ait pas d’accompagnement spécifique ou de suivi à moins qu’on en fasse nous-mêmes la demande. Avoir un espace de soutien me semble primordial pour que la parole puisse se libérer aussi j’espère que petit à petit nos témoignages vont permettre plus de visibilité pour qu’il y ait une reconnaissance aussi de ce deuil invisible qu’être parent sans enfant.

6 thoughts on “Témoignage : Le plus difficile ce fut de faire le deuil de ce bébé qui n’a pas été à terme et de celui qui finalement ne viendrait pas”

  1. je ne trouve pas bien mes mots comme souvent, mais je suis toujours impressionnée par la force et le positif que tu dégages malgré les épreuves traversées…
    ?

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