Je vous avais déjà parlé de cette comédienne ici, retrouvez son entrevue auprès de L’emMÈREdeuse.
Vous la voyez toutes les semaines dans votre petit écran. Geneviève Brouillette est une femme et une comédienne très appréciée au Québec, elle joue entre autre dans les séries « O » et « Ruptures ». Je l’avais déjà entendue en entrevue et je savais qu’elle était malheureusement infertile. J’ai eu envie d’échanger avec elle à ce propos. Elle a généreusement acceptée de se confier à moi, en toute honnêteté et simplicité. C’est une belle personne. À l’intérieur et à l’extérieur.
E : Parle-moi de ton infertilité, elle est causée par quoi ?
G : On ne sait pas, on est un cas d’infertilité inexpliquée. En faits c’est probablement une combinaison de plusieurs facteurs, dont l’âge : allo le reality check ! 38 ans, c’est tard pour débuter des démarches de fertilité. Mais ça aurait du fonctionner. J’ai eu deux fécondations in vitro, mais les embryons ne s’accrochaient pas. J’ai ensuite eu l’opportunité d’avoir un gros contrat et j’ai décidé de reporter le troisième essai à la fin de ce contrat-là. Mais pendant ma pause de traitement, j’ai réalisé à quel point je n’avais pas envie de recommencer cela. J’étais angoissée. J’avais peur.. Ça nous a pris tellement de temps pour se trouver mon conjoint et moi. On s’aime, on a une belle vie, on ne voulait pas gâcher le beau de notre vie pour des »peut-être »… Je ne voulais pas être en guerre contre mon corps.
J’ai donc fais le deuil de cette maternité.
E : Comment on réussi à faire un deuil aussi important ? En s’actualisant ailleurs j’imagine ?
G: Oui. La création, c’est super important dans ma vie. Le fait de ne pas avoir réussi à avoir d’enfant, ça me permet d’aller plus loin. Maintenant j’écris, et l’inspiration me vient parfois le soir, parfois le jour. Je suis consciente que si j’avais eu un enfant, ça n’aurait pas été possible pour moi de faire vivre autant mon côté créatif. Du moins, pas de la même façon. Pas spontanément. Et ça aurait été correct. C’était mon rêve d’être maman. Mais créer pour moi, c’est comme mettre un bébé au monde, autrement.
E: L’infertilité nous affecte dans notre féminité. Notre société met beaucoup de pression sur nous, les femmes. Pour réussir, on doit avoir une belle vie professionnelle et être épanouie dans notre maternité. Comment as-tu vécu cela toi ? As-tu l’impression d’être une femme incomplète ?
G: J’ai la chance d’avoir 3 couples d’ amis un peu plus vieux qui n’ont pas d’enfants par choix, et qui ont tellement des belles vies. Ils sont heureux. Ce n’est pas une »obligation » d’avoir des enfants tu sais. Les choses ne vont pas toujours comme on le voudrait, on a pas souvent le contrôle et c’est quelque chose de très dur à accepter lorsqu’on est infertile. J’ai toujours été certaine que dès que j’arrêterais de prendre la pilule, je serais enceinte le lendemain matin. Quand tu te rends compte que ce n’est pas du tout comme cela que les choses vont se dérouler, c’est un choc.
Mon travail m’avait déjà beaucoup confronté aux déceptions et au fait de devoir travailler dur pour avoir ce que je voulais, disons que j’ai du encore plus apprendre à accepter cette réalité avec mon infertilité. Ça m’a fait avancer en tant qu’humain. Accepter qu’on a pas le contrôle, c’est ça la vie.
Il y a toute une démarche derrière ce que je te dis aujourd’hui, mais clairement, je n’ai pas toujours été aussi sereine que maintenant.
E : Est-ce qu’on réussi à être vraiment en paix et sereine avec le fait de ne jamais avoir d’enfant, alors qu’on en voulait ?
G: Oui… En faits, les gens ne comprennent pas ce que c’est vraiment les traitements de fertilité. Tant que tu ne l’as pas vécu, tu ne peux juste pas comprendre. J’ai réussi à faire la paix avec ça dans mon cœur. J’ai été jusqu’au bout de ce que j’étais capable de faire.
Certaines personnes m’ont jugée et on dit que je n’avais pas essayé assez longtemps…Ce n’est pas parce que je ne me suis pas acharnée autant que d’autres que mon désir d’être mère était moins grand. Je n’ai jamais été fermer mon dossier, il me reste un embryon, j’avais payé pour la troisième fécondation in-vitro. Je me gardais cette possibilité on dirait. Mais je suis allée au bout de ce que je pouvais.
J’ai du premièrement accepter cette limite, que moi j’avais. Et ensuite, le jugement des autres a commencé à moins m’atteindre. Et j’ai compris aussi que ce n’était pas tant de la méchanceté que de l’incompréhension. Tout le monde se permet de donner son opinion : »Mais pourquoi t’adoptes pas ? » Comme si c’était LA solution. J’y ai pensé oui, mais humblement, je sais à l’intérieur de moi que l’adoption n’était pas envisageable pour moi. Je suis certaine que j’aurais aimé cet enfant-là, mais ce n’était pas mon projet à moi.
E : C’est demandant les traitements de fertilité. physiquement et psychologiquement…
G: Et c’est ça que les gens ne comprennent pas. »Mais c’est quoi qui est dur de même? » Les injections, les hormones dans le plafond, feeler tout croche, c’est douloureux, la peur, l’anxiété… Je m’étais mis à détester toutes les filles enceintes. Tu sais l’histoire typique : » je suis tombée enceinte après 2 mois de fréquentation, on a oublié de se protéger » … Ça fait tellement mal.
E : J’ai encore de la difficulté lorsque j’apprends des nouvelles grossesses et pourtant, j’ai la chance d’avoir deux enfants. Est-ce que tu la vis encore cette espèce de jalousie-là?
G: Je te comprends tellement… Mais non. J’ai compris que d’avoir un enfant, ce n’était pas l’ingrédient miracle pour réussir sa vie… Certaines femmes vivent leur maternité comme un conte de fées, et pour d’autres c’est moins facile… Je ne sais pas quelle histoire j’aurais pu avoir, quoi que je suis persuadée que mes enfants auraient été fantastiques (rires) ! Non, sérieusement, je ne le sais pas…
On trouve toujours que c’est ce qu’on a pas dans la vie qui aurait été la meilleure chose pour nous. Dans le fond tu sais, c’est ben correct ce qu’on a. Et ma réalité, c’est que j’ai rencontré l’homme avec qui j’aurais voulu avoir des enfants sur le tard : à 37 ans. Mes amies avaient déjà des enfants plus vieux et je savais que d’avoir des enfants c’était beaucoup plus complexe que de simplement bercer et allaiter un petit poupon.
On a rapidement essayé de fonder une famille ensemble. Mais j’ai accepté que ce n’était pas le titre de maman qui allait faire mon bonheur dans la vie. La vie est injuste. C’est comme ça. Mais elle ne nous abandonne pas.
E : J ‘entends que tu as une grande confiance en la vie, je trouve ça inspirant.
G: Absolument ! C’est ce que la vie a décidée pour moi et c’est correct. De toute façon je ne peux pas résister. Je ne peux rien faire pour changer ça. Je crois que dans la vie, ce qui crée de la souffrance, c’est la résistance.
Je comprend à quel point c’est souffrant de ne pas réussir à avoir d’enfant. Je comprend celles qui se battent jusqu’au bout sans prendre un non pour une réponse valable et bien honnêtement, si j’avais rencontré mon conjoint plus tôt, je serais probablement encore entrain d’essayer aujourd’hui. Mais quand c’est trop dur, c’est juste trop dur.
Avant de débuter les traitements, j’avais déjà réussi à me fabriquer une vie qui me comblait. Un enfant, ça aurait été un beau bonus, mais ce n’est pas censé venir combler un vide existentiel.
C’est juste des leçons d’humilité que la vie nous donne.
E: Je trouve ton histoire tellement porteuse d’espoir pour les femmes qui ne réussiront jamais à avoir d’enfants.
G : Tu sais, la vie c’est une succession de deuils. De la jeunesse, de la beauté… Mais le deuil de la maternité, personne ne devrait avoir à le faire.
J’ai juste compris que dans la vie on a pas besoin de tout avoir pour être heureux.